Ésope, La cigale et les fourmis
C’était l’hiver ; le grain était mouillé et les fourmis le faisaient sécher. Une cigale qui avait faim leur demanda à manger. « Pourquoi, lui dirent-elles, n’as-tu pas fait de provisions pendant l’été ?
– Je n’étais pas oisive, dit-elle, je chantais en artiste.
– Ah l’été, tu étais musicienne repartirent les fourmis en riant ; en hiver fais-toi danseuse. »
Il ne faut être négligent en rien, sous peine de s’exposer aux chagrins et aux périls.
Phèdre, La fourmi et la mouche
La Fourmi et la Mouche contestaient assez vivement de leur prix. La Mouche commença ainsi : « Peux-tu bien comparer ta position à la mienne ? Dans les sacrifices, je goûte la première les entrailles des victimes ; je m’arrête sur les autels, et je parcours tous les temples. Je me pose sur le front des rois, et, quand il me plaît, je cueille un baiser sur la bouche la plus chaste : je ne fais rien et je jouis de tout. Est-il dans ton existence quelque chose à comparer, campagnarde ?
– Sans doute, dit la Fourmi, il est glorieux de siéger au banquet des dieux, mais comme convive, et non comme parasite. Tu habites les autels; mais, dès que l’on t’y aperçoit, on te chasse. Tu parles de rois, de baisers surpris aux dames : folle ! tu te vantes de ce que, par pudeur, tu devrais cacher. Tu ne fais rien ; aussi, venu le besoin, tu n’as rien. Tandis que j’amasse avec ardeur du grain pour mon hiver, je te vois, le long des murs, te nourrir de viles ordures. L’été, tu m’étourdis ; pourquoi te tais-tu donc l’hiver ? Lorsque le froid te saisit et te tue, je rentre saine et sauve dans ma demeure, où est l’abondance. En voilà assez, je crois, pour rabattre ton orgueil. »
Cette fable nous apprend à connaître deux caractères différents : l’homme qui fait parade de faux avantages, et celui dont la vertu brille d’un solide éclat.
Jean de la Fontaine, La cigale et la fourmi
La cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue. Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine chez la fourmi sa voisine, la priant de lui prêter quelque grain pour subsister jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle, avant l’août, foi d’animal, intérêt et principal ».
La fourmi n’est pas prêteuse ; c’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ? » dit-elle à cette emprunteuse.
« Nuit et jour à tout venant je chantais, ne vous déplaise ».
« Vous chantiez ? j’en suis fort aise : et bien ! dansez maintenant ».