Godomar

Aristocrate burgonde installé à Pully, vers 450 après J.-C.

Lecture à voix haute

« Il y a quelques années, mon peuple a tenté de conquérir une partie de la province de Gaule Belgique. Mal nous en a pris : les Romains nous ont infligé une cuisante défaite ! Ils nous ont alors déplacés ici, sur les rives du Lacus Lemanus, où nous, les Burgondes, défendons la région contre les incursions des Alamans. Malgré nos coutumes différentes et même si nous sommes une minorité, la cohabitation avec les gens d’ici se passe bien. J’ai moi-même fait des efforts pour m’intégrer, en perfectionnant mon latin et en me convertissant au christianisme. Ma famille vit d’ailleurs non loin des ruines d’une ancienne villa, où se dresse maintenant une petite chapelle… »

En 436, le peuple germanique des Burgondes, qui tentait une incursion vers le sud, subit une lourde défaite militaire contre les Romains. En 443, un traité leur est accordé par leur vainqueur, le général Aetius, qui les installe en Sapaudie, région englobant la Savoie et la majeure partie du Plateau suisse. En les y implantant, Aetius a une idée précise en tête : tenir en respect les peuples « barbares » qui, en traversant le Rhin, menacent la sécurité de l’Empire.

Répartition découvertes burgondes - archeothema 2
Figure 3.1 : Répartition des découvertes archéologiques mises en lien avec l’installation des Burgondes à l’intérieur des limites de leurs royaumes. En rouge, limites supposées de la région de Sapaudie ; en beige, extension du royaume Burgonde en 517.

On fournit alors aux Burgondes des terres et des logements, Genève et Lyon comme capitales, ainsi qu’un droit sur une partie des impôts. Ils n’ont à l’origine aucun pouvoir sur les populations locales. Toutefois, à mesure que l’Empire romain s’affaiblit, leur contrôle semble plus direct. Dès leur installation, ils combattent férocement les Alamans, d’anciens rivaux. Ces conflits auront une forte influence sur les frontières linguistiques actuelles. En effet, les Alamans utilisant un parler germanique n’ont pas pu accéder durablement à nos régions. Ainsi, le latin propre aux habitants gallo-romains et pratiqué par les Burgondes y sera préservé. Quelques siècles plus tard, son patois régional, le Français, pourra alors faire son apparition. En 536, le Royaume Burgonde est assimilé au territoire contrôlé par les Francs ; c’est la fin de son indépendance. Son nom persistera toutefois, dans celui du Royaume de Bourgogne.

À l’exception du monastère de St-Maurice d’Agaune, l’un des plus fameux de l’occident chrétien, la présence burgonde sur le plateau suisse n’a laissé que de très rares témoignages archéologiques, une trentaine de nécropoles principalement.

À Pully, des sépultures pouvant être associées aux Burgondes ont été mises au jour dans les ruines de l’ancienne villa romaine ainsi que dans la nécropole « Les Désertes ». Dans celle-ci, on a mis au jour près de 110 sépultures, la plupart composées de cercueils ou coffrages de bois. Hormis quelques fibules et boucles de ceintures, parfois d’origine germanique, elles n’ont pas livré de mobilier. De plus, deux crânes pourraient afficher des traces de déformation. Certaines populations ayant accompagné la migration des Burgondes avaient en effet parfois la tradition de déformer, dès la naissance, les crânes de leurs enfants, à l’aide de bandelettes compressant les os durant leur croissance.

Plaque-boucle de ceinture burgonde
Figure 3.2 : Plaque-boucle de ceinture en fer damasquinée d’argent et de bronze. 8e siècle après J.-C. Fouilles de la nécropole « Les Désertes », 1937.

Crâne burgonde - archeothema 3
Figure 3.3 : Exemple de crâne déformé.

Si la présence des Burgondes est aussi discrète en Suisse, c’est que leur implantation s’est faite avec douceur et que leurs liens avec les Gallo-Romains se nouent avec respect. Ils partagent les mêmes nécropoles, font des mariages mixtes et jouissent de droits et de possibilités d’ascension sociale similaires. La culture, la mode et la langue romaine remplacent peu à peu leurs coutumes germaniques. Pour les Burgondes, la fusion des populations était sans doute une nécessité pour éviter de disparaître définitivement face aux puissances avoisinantes. Ils représentent en effet une minorité ethnique sur le plateau, où ils sont arrivés affaiblis. La fusion a d’ailleurs été si nette que certains auteurs des siècles suivants croiront que les Burgondes, en s’installant dans nos régions, y auraient massacré la plupart des habitants.

Noble burgonde
Figure 3.4 : Audience chez un noble du Haut Moyen Âge.