Pèlerin anglais de passage à Pully, autour de l’an 1000
« L’Angleterre, d’où je suis parti il y a plusieurs semaines, est déjà loin derrière moi. Me voici à mi-chemin de mon pèlerinage vers Rome, sur les traces de Sigéric, l’archevêque de Cantorbéry. Hier soir, j’ai fait escale à Lausanne, où je me suis recueilli dans plusieurs églises. Dans quelques heures, je dormirai à Vevey, mais avant de reprendre ma marche, je m’accorde un bref repos ici, où je ne me lasse pas d’admirer le lac et les Alpes. Si ma foi ne me poussait pas à continuer, je resterais bien quelques jours de plus… »
La via Francigena, c’est-à-dire la voie qui vient de France, relie Cantorbéry, dans le sud de l’Angleterre, à Rome. Plusieurs tronçons de cette route, ou plutôt de ce faisceau de routes, datent de l’Antiquité. La via est empruntée dès le haut Moyen Âge par de nombreux pèlerins. L’un des parcours nous est connu par un bref texte retraçant l’itinéraire emprunté en 990 par Sigéric, l’archevêque de Cantorbéry. Celui-ci s’était rendu à Rome pour y recevoir son pallium (ornement liturgique réservé au pape, aux primats et aux archevêques) et y proclamer son serment de fidélité au pape.
L’itinéraire de Sigéric, qui est devenu l’un des plus populaires, s’étend sur 1700 km, dont 230 en Suisse, divisés en étapes de 20 km environ. L’entrée dans le pays se fait à Vallorbe, puis le tracé rejoint Orbe, Lausanne, Vevey, Vouvry, Saint-Maurice, Orsières et Bourg Saint-Pierre, avant de gagner l’Italie par le col du Grand-Saint-Bernard. Bien qu’il ne fasse aucune mention de Pully dans son itinéraire, Sigéric l’a peut-être traversé entre Lausanne et Vevey. Qui sait, il s’y est peut-être même restauré.
Le voyage relaté par l’archevêque incitera d’autres pèlerins à entreprendre le même périple, pour différents motifs : spirituel, pénitentiel, par goût de l’aventure, dans l’espoir d’une guérison ou simplement par attrait du voyage. Ils empruntent divers itinéraires accompagnés d’une liste d’étapes et de gîtes. En 1300, un jubilé décrété par le pape Boniface VIII incite les croyants à réaliser le pèlerinage afin de bénéficier de l’indulgence plénière, ce qui rend la via Francigena encore plus populaire.
Avant son départ pour Rome, le Romieu – c’est ainsi qu’est surnommé le pèlerin de Rome – se confesse, puis reçoit une bénédiction et se voit remettre ses attributs : le bâton et la besace. Il emporte également une lettre de sauf-conduit, qui lui assure une certaine sécurité et des passages facilités d’un territoire à l’autre. Le plus souvent, les trajets sont effectués à pied, mais il arrive que le pèlerin emploie une monture. En général, il préfère les chemins de traverse, afin de visiter des paroisses et d’y puiser l’eau d’une source guérisseuse, mais surtout il évite les péages et les routes, le long desquels sévissent parfois des brigands. Après chaque journée de voyage, il lui faut trouver un lieu de repos, souvent un hospice, où il reçoit un certificat qui témoigne de son passage. Une fois arrivé à Rome, le pèlerin se rend dans plusieurs églises et se recueille auprès du tombeau de St-Pierre. Parfois, il rapporte de son voyage quelques souvenirs, comme des reproductions de reliques.
Omnes viae romam ducunt ! (Tous les chemins mènent à Rome !) dit la devise des pèlerins de Rome.