Moine du prieuré de Payerne séjournant à Pully, à la fin du XIVe siècle
« Quelle chance, le pressoir vient d’être remplacé ! Ce sera plus simple de produire le vin de Pully. On le conserve dans le bâtiment d’à côté, que certains appellent le Prieuré. À vrai dire, c’est surtout parce qu’ils y croisent souvent des moines comme moi. C’est le prieuré de Payerne qui m’envoie contrôler la production ; d’autres congrégations religieuses produisent également du vin dans cette région, qui se prête à merveille à la viticulture. Vous savez, le besoin en vin augmente, pour les messes bien sûr… Vous voulez le goûter ? »
D’après un faux testament rédigé en 962, la reine Berthe de la famille des Rodolphiens fait don à l’abbaye de Payerne de plusieurs terrains agricoles et viticoles sur l’actuel territoire de Pully. Ce document mentionne également la plus ancienne attestation du nom de Pully : alliam ecclesiam ad Pulliacum. Selon les sources à disposition c’est donc au Xe siècle que l’histoire du Prieuré commence.

Suite à cette donation, des moines du couvent de Payerne, subordonné à l’ordre clunisien, sont envoyés à Pully pour exploiter les champs et les vignes. En 1079, l’évêque de Lausanne reçoit également en donation de vastes terres dans le territoire pulliéran. Il désigne le comte de Genève pour le représenter et exercer sa juridiction. Puis, au milieu du XIVe siècle, les droits sont partagés entre le comte et l’évêque. En plus de ces rivalités territoriales, d’autres communautés religieuses vont s’intégrer au paysage viticole de Pully, avec l’acquisition de terres. Cette mosaïque de pouvoirs politique et religieux démontre, dès son origine, une organisation complexe.

À la fin du XIVe siècle, on fait construire un bâtiment rural dit le Prieuré. La bâtisse est au service de l’exploitation agricole, afin d’y déposer les récoltes, le vin et pour servir de logement aux vignerons du prieur de Payerne. Les moines de Payerne avaient sous leurs ordres des convers qui travaillaient la vigne. Le Moyen Âge est un âge d’or pour la viticulture, puisque le christianisme et son rapport au vin lors de la messe accentue le besoin en production. De plus, la découverte d’un pressoir à levier daté de ce même XIVe siècle confirme l’importance viticole du territoire. De ce fait, le bâtiment du Prieuré n’a jamais été au service de l’église, mais plutôt du développement des tâches viticoles.


En 1536, l’ensemble des bâtiments du Prieuré est réquisitionné par les Bernois, qui sont à l’origine de l’agrandissement et de la fortification du bâtiment. La présence de ce pressoir n’est pas étonnante puisque, sur le plan cadastral de 1689, on fait mention de la « Cave de Leurs Excellences », en face de laquelle se situe la « Maison de Leurs Excellences où demeurent les Domenjoz leurs vignerons, appelée Prioré de Pully ». En 1798, durant la Révolution vaudoise, les bâtiments du Prieuré sont confisqués aux Bernois ; ils deviennent une maison nationale.